« Le renforcement du commerce intra-africain peut contribuer à améliorer la sécurité alimentaire »Mr. Brahim Guendouzi Economiste-spécialiste en commerce international

  • Création : 30 avril 2024

 Le commerce intra-africain de produits agricoles dispose d’un potentiel considérable, selon l’économiste Brahim Guendouzi qui relèvera dans cet entretien les  efforts déployés pour renforcer ces échanges dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF). Mais, faudrait-il aussi agir sur  Il y a lieu sur la promotion de la transformation agroalimentaire locale pour saisir les opportunités et augmenter les échanges intra africains.

 

Agroligne: Comment  se présentent les échanges commerciaux entre les pays africains dans l'agriculture et l’agroalimentaire ?

Brahim Guendouzi: Représentant 1,4 milliard d’habitants, soit 18% de la population mondiale, le continent africain enregistre un énorme déficit en produits alimentaires pour la satisfaction de ses besoins internes. Il est importateur net de denrées alimentaires, principalement des céréales, des viandes, des produits laitiers, des huiles et du sucre. Selon certaines estimations, la valeur annuelle de Ces importations de produits agricoles et agroalimentaires atteint environ 80 milliards de dollars. Cependant, le commerce de produits alimentaires entre pays africains ne représente qu’une faible part de ce total. En effet, on estime que le commerce intra-africain de produits agricoles n’atteint pas 20 % de cette valeur. Aussi, L’augmentation du niveau des échanges est un défi pour les années à venir afin de renforcer la sécurité alimentaire et la nutrition de tous les Africains.

Ces échanges sont-ils à la hauteur des attentes des pays africains et des potentialités qu'ils recèlent ?

Il y a certes d’importantes potentialités et ressources naturelles au niveau du continent africain, à même de lui donner toutes les capacités de production nécessaires pour satisfaire les besoins des populations. Toutefois, la réalité fait ressortir de nombreux handicaps qui empêchent l’essor de l’agriculture et son interface l’industrie agroalimentaire. On peut citer à titre d’exemple la contrainte logistique due à l’absence ou l’insuffisance d’infrastructures de transport et de communication. Il y a également la fragmentation des marchés ainsi que l’existence de barrières tarifaires et non tarifaires, particulièrement les réglementations sanitaires et phytosanitaires qui demandent à être harmonisées. La faiblesse de la transformation agroalimentaire pour créer de la valeur ajoutée puisque de nombreux produits agricoles sont exportés sous forme brute plutôt que transformés localement. D’autant plus que les aléas climatiques et les conflits sont susceptibles de perturber les chaînes d’approvisionnement.

Quelles sont les conditions à assurer pour une meilleure intégration dans ce cadre ?

Malgré ses vastes ressources agricoles, l’Afrique dépend encore des importations alimentaires. Le renforcement du commerce intra-africain peut contribuer à améliorer la sécurité alimentaire. Aussi, les pays africains s’activent aujourd’hui à simplifier les procédures douanières, à harmoniser les normes et à améliorer les infrastructures de transport. Des corridors commerciaux efficaces sont mis en place pour faciliter les échanges. Etant donné que chaque région du continent africain a ses propres cultures spécifiques en fonction du climat, du sol et des traditions locales, la richesse du patrimoine végétale et des espèces animales existantes, ne demande qu’à être valorisée. Ce qui a rendu l’agriculture africaine diversifiée, comprenant une variété de cultures vivrières et de cultures commerciales. Elle représente alors un secteur clé pour la sécurité alimentaire et le développement durable du continent. Il y a lieu de continuer à investir massivement dans les activités agricoles en vue de renforcer la résilience des agriculteurs face aux défis futurs (chocs climatiques, économiques, les sécheresses, les inondations, les invasions de parasites, etc.)Il est essentiel d’aller vers la diffusion des technologies agricoles modernes, telles que les semences améliorées, les engrais, les systèmes d’irrigation et les pratiques de gestion durable ainsi que la formation des agriculteurs.

Quelles sont les opportunités à saisir ? 

Il y a lieu d’agir sur la promotion de la transformation agroalimentaire locale. Des actions sont menées pour encourager les entreprises et les agriculteurs à participer au commerce intra-africain. C’est à ce titre que la ZLECAF, mise en place en 2021, vise à créer un marché unique pour les biens et les services en Afrique. Elle facilite le commerce intra-africain en éliminant les droits de douane sur 90 % des produits échangés entre les pays membres. Cela encourage la coopération économique et la croissance régionale. Il y a également le Programme détaillé pour le développement de l’agriculture africaine (PDDAA), adopté par l’Union Africaine en 2003 qui  vise à accélérer la croissance agricole, à réduire la pauvreté et à améliorer la sécurité alimentaire en Afrique. Il encourage la coopération régionale et la transformation du secteur agricole.

Qu'attendre de la ZLECAF?

Le commerce intra-africain de produits agricoles dispose d’un potentiel considérable, et des efforts sont déployés pour renforcer ces échanges dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF). Cela permettra de stimuler la croissance économique et la sécurité alimentaire. A cet effet, la FAO et l’Union africaine(UA) ont publié un guide intitulé “Plan-cadre d’intensification du commerce intra-africain de produits et services agricoles”. Ce guide vise à libérer le potentiel du secteur agricole afin qu’il contribue à une croissance durable et inclusive en Afrique. L’amélioration du commerce intra-africain permet aux agriculteurs d’accéder à de nouveaux marchés, d’augmenter leurs revenus et de renforcer la sécurité alimentaire. Aussi, les entreprises agroalimentaires bénéficient d’un accès élargi aux matières premières et aux consommateurs. Elles peuvent élargir leur clientèle et participer à des chaînes de valeur régionales. D’où la nécessité de mettre en avant les produits agricoles africains grâce à la promotion de labels de qualité sur les marchés nationaux et internationaux. Il y a lieu également d’encourager les investissements destinés surtout au renforcement des capacités productives mais aussi dans la distribution.

Comment assurer l'équilibre des échanges entre l'Afrique et l'Europe dans ces secteurs?

L’Europe demeure un grand fournisseur de produits alimentaires à destination du continent africain, lequel est fournisseur à son tour de nombreux produits primaires. La promotion des investissements directs étrangers (IDE) s’avère nécessaire dans ce cas, pour améliorer le degré de transformation des produits agricoles au niveau local. Les investisseurs étrangers peuvent apporter des capitaux, des technologies et des marchés. Il reste bien entendu qu’un environnement politique stable et sécurisé est essentiel pour attirer les investisseurs étrangers. La mise en place de la ZLECAF contribue fortement à   créer un environnement propice à l’investissement dans le secteur agroalimentaire. Néanmoins, la dette extérieure plombe de nombreux pays africains dans leur volonté d’investir et d’accroitre leurs capacités productives, particulièrement dans l’agriculture et l’agroalimentaire, au vu du potentiel existant. Au demeurant, la recherche de nouvelles sources de financement de l’agriculture reste un défi majeur pour pouvoir amorcer un partenariat stratégique dans ce secteur d’activité névralgique. La contribution européenne dans ce financement est largement souhaitée pour aller dans le sens de la coopération en faveur du développement durable et la lutte contre le changement climatique.

 

Source: Entretien publié dans le Magazine agroligne N121.(mars -juin)

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